J'ouvre une rubrique "Carte Blanche"
C'est Espionne qui l’inaugure par une fiction frémissante.
Une fine pluie tombait sur Bolton, transformant les trottoirs en patinoire et mes Kickers en aquarium. Je sentais presque une vie sous-marine s'y développer alors que je courais derrière toi. Je courais, je courais et tu riais. Tes cheveux roux s'élevaient en une crinière électrique, tes boucles libérées scintillant de minuscules et innombrables gouttes de pluie. Une bouteille de Jack Daniel's à la main, que tu tenais toujours hors de ma portée. Je te criais des mots dans un anglais approximatif et tu riais. La moitié de ce que tu me disais m'était incompréhensible, et seul l'alcool nous donnait le pouvoir de nous comprendre, toi, l'étudiante anglaise de dix neuf ans à peine, et moi, française de un an ton aînée, sans adresse fixe si ce n'est le monde, exilée le temps d'une semaine par le premier vol Ryanair, avec juste un sac à dos et une carte d'identité.
Il était si tard qu'il en était presque tôt et tu brillais sous les rayons de la lune qui baissait, tes joues blanches rosissant sous l'effort. Je te saisis par les hanches et te collai à moi, seins contre seins, nos lèvres se frôlant presque. Tu fis descendre la bouteille de JD lentement, jusqu'à ce qu'elle atteigne mes lèvres, tes yeux transperçant les miens. Je te désirais tant. Je basculai la tête en arrière et le liquide ambré coula dans ma gorge, me faisant tousser. Tu ris encore.
Le monde entier se floutait dans cette banlieue grise et tu étais la seule silhouette à se découper nettement dans la pénombre, devant les usines fermées et les terrains abandonnés. Un petit monde sans espérance, que nous transformions en terrain de jeu pour enfants bombardées trop vite dans le monde adulte.
Nous arrivâmes jusqu'à une cité universitaire, tu m'y fis entrer, en me faisant chut, un doigt sur tes lèvres. Je te suivis, mon cœur battant la chamade, gravit les escaliers. Nous pénétrâmes dans un couloir au sol recouvert de moquette, et je me laissai tomber dessus, retenant mon rire. Tu secouas la tête, effrayée qu'on puisse nous surprendre. Mais mon corps bien trop alcoolisé ne parvenait à se relever. Tu te penchas en avant et tombas à ton tour, le haut de ton corps reposant sur moi. Tu étais si belle, avec tes yeux verts qui te mangeaient le visage et ta fossette qui s'enfonçait dans la joue droite. Nous rîmes toutes deux, le genre de fou rire d'ivrogne, irrépressible et crétin que seules deux jeunes filles biens qui s'encanaillent peuvent partager. Ton front se posa contre le mien. Ton sourire s'envola et le moment passa. Nous nous relevâmes en silence et marchâmes jusqu'à ta chambre.
Tu dus t'y reprendre à plusieurs reprises pour ouvrir, la clef ne trouvant pas la serrure, mais nous fûmes bientôt à l'abri des regards. Tu verrouillas la porte, et j'aurais eu peur, si seulement j'avais encore été capable de réfléchir convenablement. Je me surpris à penser que j'aurais aimé finir ainsi, ivre de désir, avec pour seul crime d'avoir suivi une inconnue dans la rue après une soirée dans un pub irlandais.
Tes doigts s'agitèrent sur ton iPod et la musique emplit la pièce.
On s'allongea sur le lit. Avec hésitation, ta main se glissa dans mon slim, cherchant mon sexe déjà trempé. J'imitais ton geste, et tu ne me repoussas pas. Tu m'enlevas mon sweat-shirt, puis ma chemise, selon cette mode étrange sur les campus anglais que je m'étais empressée d'adopter, par souci de perfectionnisme et d'authenticité. Je t'imitais. Nos corps avides mais inexpérimentés réagissaient par mimétisme, nous nous découvrions mutuellement. Nos jeans glissèrent à leur tour, et dans ce froid printemps anglais, nous nous rapprochâmes pour ensemble nous réchauffer. Je m'efforçais de recouvrir ton vaste corps, admirant tes courbes et tes rondeurs, me sentant si osseuse et dure en comparaison. J'enviais tes kilos en trop, me demandant comment ça serait, là, maintenant, si nos corps se recouvraient mutuellement de cette chaleur que nous recherchions, cette étreinte pachydermique pleinement satisfaisante que je rêvais de partager avec toi, alors que mon maigre corps me faisait l'effet d'un sextoy anorexique.
Les caresses s'enchaînèrent longtemps avant que nous ne libérâmes nos seins. Quand, enfin, nues, je m'allongeais sur toi, ton corps en demande exigeait de moi ce que je ne possédais pas. Je sentais ta volonté d'être pénétrée, possédée, dans ton inexpérience homosexuelle, et ta main guida la mienne jusqu'à ton sexe gluant. J'y insérais deux doigts, faisant des va-et-vient lents et réguliers, et tout ton corps se cambra. En même temps, je pris tes tétons entre mes dents, et tirait légèrement, provoquant des spasmes de plaisir dans ton bassin. Tu réagis en saisissant mes seins, en les malaxant et en les torturant entre tes mains, et ce fut à mon tour de gémir, le visage tourné vers le plafond. Dans ton iPod, "Where is my mind" rugissait.
- Hurt me. Make me suffer.
J'avais bégayé ces mots, dans cette langue que je maîtrisais si mal, ce qui t'avait tant plu au pub. Tu m'avais demandé où je dormais, je t'avais confié mon intention de squatter la salle des arrivées à l'aéroport jusqu'à ce que l'on me chasse - un hôtel était au-dessus de mes moyens. Te souvenais-tu de nos échanges essoufflés ?
Tu te redressas, hésitante mais excitée.
- Do you mean...
- Tie me up. And slap me. Do what you want with me.
J'en rêvais. Mais en serais-tu capable ? Je croisai ton regard et vis dans tes yeux verts une lueur sadique qui me fit frissonner. Je ne sais pas comment tu pus agir avec autant d'assurance, toi qui ne semblais pourtant pas initiée aux jeux interdits qui me hantaient. Lorsque tu m'attachas à la tringle à rideaux avec des soutiens-gorge, les bras écartés au-dessus de ma tête, je te regardai avec admiration, fierté. Pendant une heure, tu me laissas là, à me pincer, à me mordre, à visiter mes cavités les plus intimes... Je n'étais que pure douleur et pur délice. Mon corps tremblant t'appartenait, et lorsque tu présentais à ma bouche tes seins si blancs et si parfaits, je m'empressais de les prendre, de les lécher et de les mordiller jusqu'à ce que tu ordonnes d'une voix roque "Enough !". Alors je m'abandonnais à la douleur que tu m'affligeais, simple pantin avide de sensations. Dans mon extase, je l'affirme, je ne savais plus à quel sein me vouer.
Lorsque je me retournai, tu crus que j'avais atteint mes limites, et je sentis ton appréhension. Je te présentai mes joues, et, tournant ma tête vers toi, j'indiquai le tas de fringues au sol.
- My belt. Spank me. Please.
Je vis le coin de tes lèvres se relever en un sourire coquin, alors que tu te penchais pour saisir l'objet. Ma ceinture de cuir, objet souple et lourd, un peu trop masculin, qui me faisait fantasmer en secret. Tu la plias en deux, et, me regardant droit dans les yeux, tu me demandas si c'était bien ce que je voulais. J'acquiesçai. Le premier coup tomba et je serrai les fesses par réflexe, avant de les relâcher. Je fermai les yeux, me laissant aller à la lente régularité des coups, mon esprit embrumé, ton corps pâle qui se reflétait dans la vitre de la fenêtre devant moi me semblant presque surréaliste... Je ne sus dire combien de temps cela dura.
- Do you love me?
- Yes.
- I am serious. Do you love me?
- Yes, yes! I do.
- Will you come back? Or will you forget me when you come back to France?
- I will come back. I will come back as often as I can. And you can come to France too.
- You promise?
- Yes.
Chaque question était entrecoupée d'un coup sur mes fesses, mon dos, mes cuisses. Je promettais de tout mon cœur de vingt ans, j'y croyais, et tu demandais des preuves, tu exigeais tout cela en me meurtrissant la peau. Plus je souffrais, plus je t'aimais.
Nous nous réveillâmes dans les bras l'une de l'autre le lendemain, mon corps rendu sensible par les doux sévices infligés, ta peau si chaude et si douce, son petit goût fruité. Mais lorsque tu ouvris les yeux, je vis passer une ombre de peur dans ton regard.
La déception m'envahit alors que tu me repoussais. Les souvenirs revenaient sûrement par vagues, mais tu les repoussais eux aussi, prétendant ne pas te souvenir de mon identité, ou de ce que nous avions fait. Entre nous gisait la ceinture. Je tentais de te rassurer, mais tu ne voulais rien entendre, et mes explications bousculées un matin de gueule de bois n'auraient convaincu personne de toute manière. Ravalant mes sanglots, je me rhabillais et pris la fuite dans la matinée glacée.
Les années ont passé et je me suis fixée quelque part dans le Sud de la France, bien loin de la pluie boltonienne et des rousses bien en chair qui m'ont toujours faite fantasmer. Parfois je repense à toi. Comme je t'ai maudite en te quittant. Comme j'ai chéri les quelques heures passées à parcourir ta peau sucrée. Te souviens-tu, Amanda? Nous fûmes amantes d'une nuit, et depuis, je rêve de rencontrer une déesse telle que tu le restes dans mes souvenirs... Afin d'offrir mon cœur et mon corps à celle qui saura les garder.
Bonjour ou bonsoir.
J'espère que vous prendrez plaisir à parcourir ce blog tout en rappelant que celui-ci est STRICTEMENT INTERDIT AUX MINEURS !
Petits trucs
.
Juste : wow.
RépondreSupprimerVraiment.
WOW : c'est juste
SupprimerVraiment.
Wow. Sérieux? :D
SupprimerUn texte magnifique d'émotion, orné de non moins magnifiques dessins. Quel bonheur !
RépondreSupprimerMerci pour Espionne.
SupprimerMerci Amandine ! C'est vrai que les dessins sont particulièrement bien réussis. ;)
SupprimerMike, merci... Merci de tes encouragements, merci de m'avoir poussée et merci pour tes superbes illustrations qui rendent bien l'atmosphère que j'ai voulu faire passer. J'apprécie beaucoup.
RépondreSupprimerJe m'en vais dès ce soir mettre les illustrations sur le récit original du forum !
Tout le plaisir était pour moi.
SupprimerMerci à toi de ce récit.
Une belle histoire, intelligemment rédigée... Vrai plaisir à la lecture.
RépondreSupprimerOui, vraiment un bon récit.
SupprimerMerci à vous, Stan :)
SupprimerTrès beau récit ptite mangeuse de popcorn ;-)
RépondreSupprimerMerci la petiote ! :p
SupprimerJe suis un peu en retard sur ce coup là, mais il faut dire les choses comme elles sont, sans rond de jambes et sans langue de crapaud, cette histoire est une très bonne histoire, une très belle histoire, et parfaitement bien écrite. Je n'ai qu'une chose à dire bravo espionne tu as vraiment un talent. Celui de savoir faire rêve le lecteur, car on se projette vraiment au coeur même du récit, on ne fait pas que s'y promener on le ressent. Et des comme celle-ci on aimerait en lire bien plus souvent.
RépondreSupprimerPS : Heu! merci a Mike aussi pour les illustration .... ;-))
RépondreSupprimerre PS :
RépondreSupprimerEt voila avec ce post je me suis repris de nostalgie .... ahhh ! The pixies : where is my mind ! ! ! Je me rappelle qu'à l'époque j'étais amoureux de Kim Deal (comme beaucoup d’ailleurs). Puis apres The pixies elle a créer "The breeders" et c'était tout aussi waourf ! Canon Ball c'était ma préféré. Je vais certainement encore m’endormir avec cet air dans la tête.
Bah vaut mieux ça que de s'endormir avec une bouteille.
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